Pyongyang, “la localité calme”
En entrant dans la capitale, je me retrouve en un flash dans l’ancienne Yougoslavie que j’avais visité en 1976 : peu de voitures, beaucoup de Nord-Coréens à vélo ou à pied, vêtus plutôt de couleurs sombres. Ou encore à Cuba sous le régime castriste, avec beaucoup d’affiches et de fresques de propagande dans la rue.
Claude Eugénie, Regards de Vies en Corée du Nord
Écrire sur la Corée du Nord est un exercice délicat. Le pays suscite les plus vives réactions, et nul ne saurait rester impassible à son sujet. La Corée du Nord est un pays fermé, qui cristallise autour de lui beaucoup de craintes. Cela est dû aux politiques du pays. Mais aussi aux nôtres. En effet, la Corée semble aux antipodes de nos modes de vies occidentaux.
L’Aquilon est une maison d’édition spécialisée dans les littératures de voyages. Aussi, lorsque nous évoquons Pyongyang, c’est par le prisme du voyageur que nous le faisons. Contrairement à Claude Eugénie, nous ne nous sommes pas rendus sur place. Nous ne saurions donc donner un avis qui ne serait pas biaisé par les dires des uns et des autres.
Néanmoins, à l’instar de Claude Eugénie, qui s’est intéressée à la Corée du Nord par le prisme humain, nous allons nous intéresser à Pyongyang en tant que ville. Non en tant que capitale de la Corée du Nord. Après ce préambule, lançons-nous à la découverte de cette cité millénaire.
De Ryugyong à Pyongyang
C’est au Néolithique que Pyongyang sort de terre. On prête la fondation de la ville à Tangun, fondateur de Ko-Choson, le premier royaume de Corée, qui aurait vécu au XXXe siècle av J-C. Au Ve siècle de notre ère, la ville, qui se nommait Ryugyong, devient la capitale de la dynastie Koguryo. Ce royaume occupait alors le nord de la péninsule coréenne. Puis, elle devient au Xe siècle la capitale de la dynastie Koryo, qui occupait toute la Corée. Elle est nommée alors Seogyeong, qui signifie Capitale Occidentale.
La ville est marquée par de nombreux affrontements, principalement avec le Japon, au cours de son histoire (guerre Imjin, mais aussi conflit sino-japonais…) La ville est par ailleurs occupée par le Japon de 1905 à 1945. Après la capitulation, Kim Il-sung est installé au pouvoir par les soviétiques. Il proclame la République Populaire Démocratique de Corée en 1948 et instaure la dynastie des Kim à la tête du pays. Il fonde l’idéologie du Juche, qui définit le régime de la RPDC.
Le Juche, qui est une idéologie fondatrice en Corée du Nord, prend sa source dans l’idéologie communiste et prône un mouvement de la nation vers l’indépendance. Cela via trois axes : l’autosuffisance militaire, économique et l’indépendance politique. L’idéologie se diffuse à grands coups de propagande, qui modèle le visage de Pyongyang.
La localité calme
Au cours de la guerre de Corée, qui a ensanglanté la péninsule de 1950 à 1953, Pyongyang a subi un bombardement massif qui a rasé la cité. Le site web officiel Naenara, de la Corée du Nord, avance le nombre de 428 000 bombes larguées par les Nations Unies, sous commandement américain. La ville est alors reconstruite avec l’aide des soviétiques.
En termes d’urbanisme, la ville est marquée par une esthétique d’inspiration stalinienne. On trouve à Pyongyang de grandes avenues, des places vastes, et une architecture monumentale qui vise à faire la démonstration de la puissance du régime. La démesure semble être le mot d’ordre à Pyongyang, dont la superficie est trois fois supérieure à Los Angeles.
On trouve à Pyongyang de nombreux monuments, à l’instar de la Tour du Juche, l’Arc de Triomphe de Kim Il-sung (plus haut de 9m que celui de Paris), l’Arche de la Réunification ou le Palais du Soleil Kumsusan, ancien palais présidentiel devenu le mausolée de Kim Il-sung.
Les équipements publics ont également une dimension pharaonique. Ainsi, le Grand Théâtre de l’Est de Pyongyang est conçu pour accueillir 2500 personnes. Quant à l’hôtel Ryugyong, ce gratte-ciel pyramidal de style néo-futuriste culmine à 330 m de hauteur.
Il ne s’agit là que d’un échantillon des monuments de Pyongyang. Nous pourrions également parler de la très vaste Place Kim Il-sung, la statue de Chollima le cheval mythique ou le musée de la Guerre Victorieuse.
Infrastructures et vie culturelle
Traversée par le fleuve Taedong, Pyongyang est vaste. La ville s’est munie en 1973 de deux lignes de métro (dix-sept stations), qui fait également office d’abri antiatomique. La ville est par ailleurs le principal centre ferroviaire et routier du pays. S’y trouve également l’aéroport international de Sunan, qui fait la liaison avec Pékin-Capitale.
C’est via la culture et le sport que la Corée du Nord semble s’ouvrir un peu plus au monde. Le cirque de Pyongyang et sa troupe de trente-trois artistes jouit d’un rayonnement international, ayant déjà remporté à plusieurs reprises le Clown d’Or au festival de Monte-Carlo. Par ailleurs, Pyongyang a accueilli en 2006 le quarantième anniversaire de la Fédération Internationale de Taekwondo (avec notamment des délégations Sud-Coréennes ou Américaines). Enfin, n’oublions pas que la flamme Olympique a traversé la ville en préambule des Jeux Olympiques de Pékin de 2008. Enfin, tous les deux ans, Pyongyang célèbre le festival Arirang avec ses spectacles de masse, regroupant de nombreux gymnastes.
Il existe également un festival du film : Le Festival International du Film de Pyongyang. Créé par Kim Jong-il en 1987, celui-ci n’accueille dans un premier temps que les films des pays “non-alignés” (mouvement apparu durant la guerre froide et désignant des pays ne souhaitant s’aligner ni avec les États-Unis, ni avec l’URSS). Le festival se tient tous les deux ans à Pyongyang et s’est ouvert à des pays plus nombreux à partir de 2006. Ainsi y ont été présentés des films comme Shaolin Soccer, Mister Bean ou encore La Marche de l’Empereur du Français Luc Jacquet.
La France présente d’autres films à ce festival. Caché de Michael Haneke en 2006, Prête-moi ta main d’Éric Lartigau avec Alain Chabat en 2008. Mais aussi Deux Jours à Tuer de Jean Becker avec Albert Dupontel.
Conclusion
Il est délicat de parler de Pyongyang sans y être allé. C’est à travers les témoignages de ceux qui ont visité cette ville, que nous pouvons nous faire une idée de ce qu’est la capitale de la Corée du Nord. Quelques témoignages vidéo (à l’image de ce vlog du Youtubeur Le Roi des Rats qui s’est rendu sur place), des articles… mais aussi des textes, comme Regards de Vies en Corée du Nord, de Claude Eugénie. Ce récit de voyage qui nous emmène à la rencontre des Nord-Coréens.
Le récit de voyage a cette particularité de réduire les distances et de donner un visage aux silhouettes. De partager les ressentis et les regards. Profitez-donc de l’occasion offerte par Claude Eugénie pour découvrir ce peuple qu’on connaît si peu.
Sources :
WILLOUGHBY R., North Korea. The Bradt Travel Guide, éd. Bradt, Londres, 2003
Site officiel Naenara [archives]
PONS P., L’exceptionnalisme de la Corée du Nord, in Critique vol. 848-849 (p. 21 à 34), 2018
PONS P., Corée du Nord : Une impasse, fruit d’une histoire négligée, in Le Débat vol. 198 (p.103 à 111), 2018
SEGAY J., Le festival de Pyongyang entrebâille la porte. La découverte des deux films nord-coréens. in Cahiers du Cinéma, p.48-51, 2006