Ménélik II, Empereur Moderne
La nouvelle route est excellente, et l’état politique du Choa ne sera pas troublé pendant la guerre, Ménélik tenant, avant tout, à maintenir l’ordre en sa demeure.
Arthur Rimbaud, Voyage en Abyssinie et au Harrar.
On pourrait presque croire à une fable : le Roi et l’Aventurier poète. Si dans l’inconscient, on associe Rimbaud à Verlaine, on laisse trop souvent de côté un autre personnage qui a eu une influence sur sa vie : le roi Ménélik II (attention, à ne pas le confondre avec le rappeur des années 90 qui nous demande de rester cool baby, sinon il nous dira bye bye). Et pour cause, le monarque sera l’un des acteurs de la ruine de l’homme aux semelles de vent. Mais on pourra arguer que Rimbaud avait déjà pas mal oeuvré lui-même en ce sens. Le malheureux ne semblait pas avoir le nez le plus creux qui soit pour les affaires.
Ménélik Empereur
L’Abyssinie (Al-Asbah) est une région se trouvant sur la corne de l’Afrique. Cette région à l’histoire passionnante englobait le nord de l’Ethiopie, l’est du Soudan, ainsi que l’Erythrée. Son peuple, les Abyssins, est évoqué pour la première fois dans le Periplus (ou Périple de la Mer Erythrée), texte rédigé par un voyageur grec du Ier Siècle.
Né en 1844 sous le nom de Sahle Maryam, le Roi Ménélik II succède à Yohannès IV, empereur d’Ethiopie. la succession ne s’est pas faite sans heurts. L’empereur sortant souhaitait unifier l’Abyssinie, pilule qui avait du mal à passer auprès des différents potentats du territoire. Mais Ménélik II accepta finalement de se soumettre à Yohannès IV en 1878, tout en accumulant du pouvoir.
À la mort de Yohannès à Matamma en 1889, Ménélik se trouva donc être le seigneur régional le plus puissant, et de fait, le successeur le plus logique à Yohannès. Son accession au pouvoir entraîna un revirement dans la vie en Abyssinie : l’Empire s’ouvrait au monde moderne.
Le Nouveau monde de Ménélik
Ménélik II est un moderniste. Face au colonialisme européen, le souverain décide de faire des concessions, mais aussi de faire en sorte que son empire ne soit pas dépassé. Ainsi, il reçoit des invités français (parmi lesquels Arthur Rimbaud, devenu marchand d’armes). En échange de territoires qu’il convoitait, qu’il cède bon gré mal gré aux colons, il obtient la reconnaissance de sa souveraineté et des frontières de son empire.
L’administration de l’empire est centralisée sous son règne. Ménélik fait donc d’Addis-Abeba – ville située dans la province du Choa (dans la date) – la capitale permanente de l’empire. Par ailleurs, le souverain crée une armée professionnelle.
Enfin, il introduit la première ligne de chemin de fer reliant Djibouti à Addis-Abeba. Et tant qu’à faire, c’est sous son règne que sont construites la première ligne télégraphique et téléphonique. Par ailleurs, misant beaucoup sur l’éducation moderne, il fait ouvrir la première école publique en 1906.
C’est en 1913 que s’éteint le Ménélik II, atteint d’une longue maladie.
Rencontre avec Rimbaud
Quand Rimbaud rencontre Ménélik, cela fait un moment qu’il n’est plus le jeune freluquet qui s’est fait tirer le portrait par Etienne Carjat. Le sale gosse de Charleville-Mézières est devenu un négociant, un voyageur. Un aventurier à l’air plus bourru, mais pas si dénué de rêves qu’on veut bien le faire croire. Rimbaud continue d’écrire, des lettres (comme il l’a toujours fait, même de son temps de poète), et caresse le projet de rédiger un ouvrage sur le Choa, zone inexplorée.
C’est sa rencontre avec le trafiquant d’armes Pierre Labatut, en 1895, qui liera le destin de “Rimbald le marin” à celui du Negus Negest (Roi des rois) d’Ethiopie. Dans le contexte de la première guerre Italo-Ethiopienne, le souverain passe commande d’armes et de munitions. Flairant la bonne opportunité financière, mais aussi afin de jouer un rôle géopolitique (pas si éloigné de ses aspirations lors de la Commune de Paris, en 1871), Rimbaud saute sur l’opportunité.
Ce sera un désastre. Les armes sont obsolètes, et divers tracas viennent mettre des bâtons dans les roues de l’entrepreneur. Par-dessus le marché, Ménélik, qui revient d’une campagne triomphale en 1887, est bien équipé et n’a que faire de la camelote proposée par son partenaire commercial. Il consent néanmoins à acheter le stock d’armes à bas prix.
Intrigué par cette histoire ? Soif d’en savoir plus ? Découvrez-là dans notre édition numérique de Voyage en Abyssinie et au Harrar, d’Arthur Rimbaud, avec une préface signée Lucille Cottin.
Sources :
PRUNIER Gérard, L’Ethiopie Contemporaine, CFEE, Khartala, Paris 2007.
HENZE Paul B., WIREN Robert, Histoire de l’Ethiopie: l’Oeuvre du Temps, Moulin du Pont, Paris 2004.