Ambroise-Louis Garneray, le peintre aventurier
Excepté la piraterie, j’ai fait à peu près tous les genres de navigation. Excepté l’Amérique et la Nouvelle-Hollande, j’ai vu à peu près le monde entier.
Ambroise-Louis Garneray.
Ambroise-Louis Garneray (ou Louis Garneray), né en 1783 à Paris et mort en 1857, est un homme particulier. Déjà par sa vie aventureuse. Âgé de treize ans seulement, il s’embarque aux côtés de son cousin Beaulieu-Leloup dans la marine, délaissant un temps le chemin tracé par son père, peintre royal (une divergence qui ne durera pas, car Garneray a de l’encre et de la peinture dans les veines).
Jeune pilotin à ses débuts, il vit de nombreuses aventures, participe à des combats, navigue aux côtés de capitaines légendaires (notamment Robert Surcouf). Instruit, il relate dans ses écrits ses péripéties, fournissant un témoignage passionnant de la vie sur les ponts des navires. Les mémoires de celui-ci, qui a fait tous les métiers de la marine, à l’exception de pirate, ont un parfum de roman d’aventures.
Si effectivement, tout n’est pas à prendre pour argent comptant dans les mémoires de Garneray (on peut ainsi se demander s’il n’essaye pas de minimiser son rôle dans la tragique traite des esclaves noirs, lorsqu’il sert sur la Doris), son témoignage est précieux, notamment pour les historiens, car rares sont les récits à être aussi exacts dans la peinture de la vie des marins.
Dans Voyages de Louis Garneray, Aventures et Combats, il se révèle un réel rapporteur, dévoilant l’organisation d’un équipage, décrivant avec un réalisme brut les combats, et faisant la lumière sur les croyances des marins, notamment leurs superstitions.
C’est alors qu’il est emprisonné par les britanniques, que Garneray l’artiste prend son envol. S’il avait déjà démontré des prédispositions en naviguant sur la Preneuse du capitaine Jean-Marthe-Adrien Lhermitte, devenant le premier peintre du bord de l’équipage, c’est au cours de sa captivité de huit ans à Plymouth qu’il prend les pinceaux.
Libéré en 1814, il peine à trouver un travail dans la marine commerciale à son retour d’Angleterre. Il se fixe à Paris et s’adonne à la peinture. En 1817, il devient le peintre attitré du Duc d’Angoulême. Sa production est imposante. Garneray peint 141 tableaux, 176 gravures et 22 aquarelles.
Il est un personnage atypique, fascinant. Un aventurier intrépide, mais également un auteur à la plume d’une précision rare. Son style d’écriture est à l’image de sa peinture : une réelle fenêtre sur un monde qui paraît si loin, qu’il en est quasiment impalpable.
Louis Garneray n’a pas que vu le monde, il ne s’est pas contenté de le parcourir, il en témoigne. Et sous sa plume, sous son pinceau, revivent les marins, les pontons, ceux qui sont tombés sous les caronades, ceux qui aiguisent leur hache d’abordage. Mais aussi, ceux dont les yeux se sont écarquillés devant la beauté du monde, et même ceux qui ont ployé sous le poids de l’esclavage infâme. Des figures historiques, et d’autres, anonymes.
Garneray a fixé par les arts ce qui ne pouvait l’être que par ces biais : l’aventure.
Sources :
L. Manœuvre, Louis Garneray, peintre, écrivain, aventurier, Arcueil, Anthèse, 1980. ISBN : 978-2-90442-095-5
I. Guillaume, Les Trois vies de Garneray, le Chasse-Marée, n°274, 2016