[interview] Geoffroy Barby, écrits du bout du monde (partie 2)
À l’occasion de la sortie de Crickey! vol.2, retrouvons Geoffroy Barby, l’auteur de ce récit passionnant.
1/ Dans Crickey! vol.1, vous écrivez que c’est sur une impulsion que vous avez décidé de suivre votre ami Roman en Australie. Pensez-vous que la spontanéité rend le voyage plus beau ?
Geoffroy Barby : Il n’y a pas une unique façon de bien voyager. Il en existe autant qu’il y a d’envies et de personnalités. À chacun de trouver celle qui lui correspond au point de s’ouvrir au monde. Ce qui est sûr c’est que ma vie serait bien différente aujourd’hui si je n’avais pas sauté le pas. J’étais jeune, je ne connaissais rien du monde et je n’avais ni a priori ni responsabilités. Je n’étais pas encore assez éprouvé par la vie pour me chercher des excuses pour ne pas foncer. Avec l’âge on prend peur, on se met des obstacles là où il n’y en a pas parce qu’on reste planté dans un immobilisme confortable.
Partir c’est se mettre en danger, laisser derrière soi ses habitudes pour plonger dans l’inconnu total. Quand on vieillit on jauge la hauteur, la profondeur, on évalue les risques. Et finalement on ne saute pas. Par chance je me suis retrouvé sur le plongeoir suffisamment jeune. La spontanéité, dans mon cas, a tout simplement rendu le voyage possible. Sans elle je n’aurais probablement jamais pris l’avion. J’aurais pris un boulot, puis un autre, puis j’aurais été le touriste d’un été par-ci par-là.
Sans ce voyage je ne serais pas celui que je suis. Je serais probablement plus riche de ce qui s’achète mais certainement moins riche de ce qui ne s’achète pas. En fin de compte ce qui rend le voyage « beau » c’est ce qu’il vous apprend sur le monde et sur vous-même, donc qu’il soit spontané ou préparé de longue date, c’est la façon dont on laisse le voyage nous imprégner qui compte.
2/ On remarque à la lecture une évolution dans Crickey! vol.2, qui se révèle plus fort encore en émotions. Il est indéniable que l’Australie vous a fait grandir. Avez-vous ressenti ce changement ? À quoi l’attribuez-vous ?
Geoffroy Barby : C’est certain ! Même si j’ai retravaillé le texte sur plusieurs années à mon retour je n’ai pas voulu en modifier la sincérité. J’ai conservé le regard du jeune homme qui découvre la vie alors que j’avais depuis déjà bien grandi. Sans cela, mon récit aurait perdu de son authenticité et j’aurai travesti mes souvenirs. J’espère aussi que grâce à cela, le lecteur pourra grandir. Que le lecteur qui terminera ces pages sera différent du lecteur qui les aura commencées. Si on fait ses bagages pour partir à l’aventure en se fermant au changement, rien ne sert de partir. Plus le voyage est long plus le changement s’impose de lui-même.
Pour ma part le véritable changement s’est opéré environ après 6 mois. Mais charge à chacun de trouver son propre point de bascule. Que ce soit en 3 jours, en 3 mois ou en 3 ans. Le voyage est une construction de cette personne, vous, que vous ne connaissez pas encore. Vous pouvez faire le choix de vous satisfaire de qui vous êtes déjà ou bien de découvrir cet autre vous, le faire grandir, plus fort à tous les points de vue.
3/ Il y a clairement deux facettes dans votre voyage : le versant social et urbain, et le versant sauvage et naturel. Une duologie entre l’Australie des villes et l’Australie du bush et des déserts. Votre cœur balance-t-il plus d’un côté que de l’autre ?
Geoffroy Barby : Cette dualité est le propre de chacun. Nous sommes tous faits de cette dualité qui nous tire tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre. C’est, je pense, ce qui permet de garder un équilibre. On peut avoir des affinités, mais il faut à mon sens rester conscient du fait que nous avons besoin de deux pôles en toute chose pour garder une stabilité psychique. L’extrême n’est jamais bon, parce qu’on se trouve au bord, à un pas du vide. Au-delà il n’y a plus rien, plus d’horizon, plus de perspective. Le point d’équilibre étant au centre des choses, le champ des possibles est bien plus vaste dans un sens ou dans l’autre et il est bien évident qu’il faut s’y aventurer justement pour trouver son propre point d’équilibre, celui qui permet que l’on se sente bien et dans son corps et dans sa tête.
L’Australie est à elle seule la parfaite évocation de cette dualité car elle regroupe tous les extrêmes entre ses propres frontières et est donc un parfait point d’équilibre. Le relief des montagnes et la platitude du désert, c’est une île donc une terre cernée d’eau mais son cœur est aride, il y a l’urbanisme le plus développé et aussi la nature la plus originelle, elle peut être tropicale ou désertique comme tempérée. C’est là toute la beauté de ce pays.
J’ai sincèrement pris autant de plaisir à découvrir des paysages qui n’avaient pas bougé depuis des millénaires qu’à arpenter les rues de Melbourne, de Sydney ou d’ailleurs pour découvrir l’architecture Victorienne du XIXe. J’ai tout autant aimé partir sur les terres aborigènes pour lire sur la roche l’histoire de ce peuple ancestral que me frotter à la culture anglo-saxonne dans les pubs bruyants.
Nous avons été à l’écoute de nos envies et elles nous ont baladées entre les deux pour que nous en retirions le meilleur au moment opportun. Mais là où l’Australie dépasse le rêve, c’est sans nul doute hors les villes. L’aspect urbain pour ne pas oublier que nous sommes des hommes parmi les hommes, et le bush, et on a tendance à l’oublier, pour se rappeler que nous sommes avant tout Des hommes. En Australie il y a de tout pour tout le monde. Pas de limites à ce que l’on peut y trouver. À commencer par soi !
4/ Crickey! vol.2 est également l’histoire d’un retour. Pourtant, le récit ne s’arrête pas au moment où vous quittez l’Australie. Comment avez-vous appréhendé le départ ? Un déchirement, ou l’occasion de vivre de nouvelles aventures ?
Geoffroy Barby : Les deux, bien sûr. Je parle principalement de l’Australie parce que c’est là que j’ai passé le plus de temps, mais ce voyage est un tout. Il commence quand je pars de chez moi, Bordeaux où je vivais alors, et se « termine » lorsque je foule à nouveau la terre de France. La fin d’un voyage c’est un peu une rupture amoureuse consentie. Sans début et sans fin il n’y a pas d’histoire, il y a juste le temps. Ce qui fait la beauté d’une chose c’est justement son caractère éphémère. Et puis effectivement mettre un terme à une histoire c’est indéniablement en commencer une nouvelle. Il faut simplement rechercher à ce que cette nouvelle histoire vous apporte de nouvelles choses utiles à votre propre construction. Vivre incessamment les mêmes expériences n’a rien de constructif.
5/ Fort de votre expérience de Backpacker, qu’auriez-vous envie de dire au Geoffroy Barby de 2009, qui s’apprête à partir pour son voyage ?
Geoffroy Barby : Ose ! On peut regretter de n’avoir pas osé mais on ne peut pas regretter d’avoir appris. Même de ses erreurs. Les expériences enrichissent l’âme plus encore que les livres, que les leçons ou que les témoignages. Lisez mon livre mais surtout ne vous en contentez pas. Servez-vous en pour vivre votre vie. Je ne suis pas un gourou et bien entendu chacun peut trouver son bonheur ici ou à l’autre bout du monde, mais partez le vérifier par vous-même si la chance vous en est donnée. Et vous reviendrez, peut-être, mais avec des certitudes. Pour avoir vu ces gens rencontrés tout au long de mon voyage, tous n’ont pas grandi de la même manière mais je peux certifier d’une vérité : 100% ne l’ont pas regretté.
Crickey! Vol.1 et Crickey! Vol.2 de Geoffroy Barby, une fresque entière et dépaysante, sont disponibles dans notre catalogue de livres numériques.