Constantine, la ville des ponts suspendus.
Autrefois appelée Cirta, cette localité qui constitua la capitale de la Numidie en 300 avant Jésus Christ tient son nom de l’empereur romain Constantin qui la développa au quatrième siècle. L’agglomération originelle s’étale sur un plateau situé à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer, traversé par le fleuve Rhumel qui s’est frayé au fil des millénaires un passage à travers la masse rocheuse. La ville se trouve ainsi coupée en deux par des à-pics vertigineux de près de quatre-vingts mètres de profondeur. Cette disposition géographique très particulière, et pour autant que je sache unique au monde pour une cité de cette importance (300 000 habitants à l’époque), lui a valu les surnoms de « ville des ponts suspendus » ou de « ville des aigles ». Elle constituait lors des premiers temps de son occupation humaine une forteresse naturelle facile à défendre.
De Louvain à Constantine, de Constantin Louvain
C’est la troisième ville la plus importante d’Algérie. Une cité millénaire à l’histoire riche et aux paysages somptueux. C’est également la destination du voyage entrepris par Constantin Louvain et son épouse dans De Louvain à Constantine, afin d’y officier à l’université en tant que Coopérants Techniques. Ce mois-ci, c’est dans les rues de Constantine que nous flânerons. La “ville des aigles” nous accueille.
De Cirta à Constantine
C’est au IVe siècle avant notre ère que la cité est fondée. Un siècle plus tard, la ville passe sous le contrôle des Numides. Constantine, alors appelée Citra, devient la capitale du roi Massyle Massinissa. La capitale, cosmopolite, s’étend et gagne en puissance. Mais chaque apogée n’est toujours que le prélude au déclin. La ville est prise par l’empereur romain Maxence en 311 et restaurée par l’empereur Constantin Ier. Ce dernier lui donnera son nom, et fit de la Cité l’unique capitale de la Numidie.
En 700, la cité passe sous l’administration arabo-musulmane et sa population se convertit progressivement à l’Islam. Jusqu’en 1836 la ville est sous domination de dynasties arabo-musulmanes. Les Omeyyades, les Abbassides, les Aghlabides, les Almohades etc. En 1535, ce sont les Ottomans qui s’emparent de Constantine. Ils en font le siège du Beylik de l’Est. C’est alors la seule ville de la Régence d’Alger qui parvient à prospérer.


En 1836, Constantine repousse un premier assaut des troupes françaises, mais tombe dans leurs mains l’année d’après. Débute alors la période française qui dure jusque 1962. Aujourd’hui, Constantine est à la tête de sa propre Wilaya et a été nommée Capitale Arabe de la Culture en 2015 par la Ligue Arabe. Il est très difficile de faire en peu de lignes un résumé exhaustif de l’histoire de cette ville. Celle-ci est riche et ancienne, comme celle de toutes les villes antiques. Mais si l’histoire est une part importante de toute ville, ce n’est pas la seule.
Constantine, une ville à la géographie atypique.
Construite sur un rocher, traversée par l’Oued Rhummel, Constantine est une ville au tissu urbain discontinu. En effet, celui-ci est coupé par la géographie particulière de la ville. Le rocher sur lequel repose la Médina, de calcaire et de forme triangulaire, est traversé des trois côtés par la rivière. Au-delà, la ville est divisée en espaces aux types d’habitats distincts. Par ailleurs, ces espaces sont densément peuplés. Ainsi, Constantine est la troisième ville d’Algérie en termes de densité de population.
Cette population se répartit sur une aire métropolitaine de 15 à 20 km de rayon qui comprend des villes satellites comme El Khroub et Aïn Smara et des villes nouvelles comme Massinissa (où se trouve le tombeau du roi antique) et Ali Mendjeli. Ajoutons à cela les neufs agglomérations de la wilaya de Constantine, pour obtenir un géant de l’urbanisation.
En raison de sa géographie particulière, Constantine est dotée de nombreux ponts suspendus au dessus de l’oued Rhummel. Cette particularité lui vaut le surnom très judicieux de Ville des Ponts Suspendus. Le plus ancien, le pont d’El-Kantara, date de l’antiquité et surplombe les gorges du Rhummel. D’autres ponts, comme la passerelle Mellah-Slimane (autrefois passerelle Perrégaux) sont réservés aux piétons. Avec ces ponts, Constantine offre de nombreux points de vues vertigineux et une apparence à nulle autre pareille.
La vie en altitude.
Traditionnellement, Constantine est une ville de commerce et de secteur tertiaire. Mais l’industrialisation fait son entrée dans la ville, notamment à l’occasion de la deuxième phase d’industrialisation de l’Algérie. À partir de 1975, Constantine devient une ville industrielle, mais avec le temps, les industries se sont délocalisées à distance de la cité. Par ailleurs, c’est à Constantine que se trouve le Centre de recherches en biotechnologie. La ville attire les travailleurs.
En 2018, le quotidien américain USA Today intègre Constantine dans son classement des onze villes à visiter. Il faut dire qu’entre ses paysages et ses monuments, la ville a de quoi ravir les amoureux de culture. La ville ayant abrité en son sein de nombreuses civilisations, les vestiges ne manquent pas, ceux-ci pouvant remonter jusqu’au Paléolithique Inférieur. On y trouve également des thermes romains, des sites puniques. Mais Constantine n’est pas qu’un empilement de vestiges. On y trouve notamment le Théâtre régional de Constantine et l’université des frères Mentouri, avec ses 22 étages.
Outre l’architecture et sa centaine de mosquées, Constantine est également parée de jardins. C’est aussi une ville de culture, berceau du malouf, l’une des trois écoles de musique arabo-andalouse algérienne. Il s’y passe également des événements musicaux chaque année, comme le DimaJazz, festival international de jazz, le festival de la chanson Sraoui, ou encore le Layali Cirta, ou quarante nuits d’été de concerts et de festivités.

Conclusion
Cité de culture, de savoirs et de paysages époustouflants, lieu de naissance de personnalités comme l’écrivain Kateb Yacine, le chanteur Enrico Macias ou l’historien Benjamin Stora, Constantine est une ville étonnante. Notre présentation de la ville reste très parcellaire, et il est difficile de faire dans un article toute justice à un tel lieu. Constantin Louvain, avec son écriture maîtrisée, en parle bien mieux (et d’autres lieux également, tant son périple était complet) dans son récit de voyage, De Louvain à Constantine, disponible dans notre catalogue.
Sources :
BOUDA F., GEO.fr, Algérie : road trip enchanteur de Constantine à Oran
SEMMOUD B., Encyclopædia Universalis « CONSTANTINE, anc. CIRTA »
Site internet de la Ville de Grenoble (jumelée avec Constantine)
GUECHI, F.Z., Constantine : Une ville, des héritages, Constantine, 2004
CÔTE M., Encyclopédie Berbère “Constantine” n°14, 1994