Auteurs et éditeurs, l’alliance sacrée ?

La tension est palpable, et les boucliers levés ! Auteur, ce ne serait pas un vrai métier, disent certains éditeurs. Et certains auteurs de rétorquer qu’éditeur n’est pas un vrai métier. À la lecture de cette tribune parue sur Actualitté le 5 février 2020, il semble que la guerre froide rôde.

Mettons y un terme ! Auteur est un vrai métier, éditeur aussi. Et les deux sont très liés. Cet article ne visera pas à trouver de solutions aux différents problèmes qu’ils rencontrent, notamment de rémunération. Mais nous allons expliquer comment fonctionne la collaboration entre un auteur et un éditeur.

Auteur et éditeur, deux capitaines pour un navire.

Qu’est ce qu’un auteur ? Nous n’allons pas nous appesantir sur la description d’un éditeur, car nous en avons parlé, précédemment. Un auteur est un créateur. Celui qui va écrire un livre, dans l’espoir d’être lu. Pour ce faire, l’auteur a deux choix : il peut se tourner vers l’autoédition, très en vogue. Ainsi, il peut contrôler toute la chaîne de “production” de son livre, de l’écriture à la diffusion, en passant par le maquettage, et la communication.

Auteurs et éditeurs partagent un même but : créer un livre.
Crédit photo : Luisella Planeta Leoni

Outre la liberté créative totale, le principal intérêt de l’autoédition est une marge bien plus élevée en ce qui concerne la rémunération de l’auteur, car il se passe ainsi d’un intermédiaire (l’éditeur). Gros inconvénient : tout cela représente une somme de travail énorme, pour des gains minimes en comparaison, surtout chez les nouveaux auteurs. Ceux-ci doivent en plus avoir un emploi salarié et inutile de dire que passer du temps sur les réseaux sociaux pour faire de la communication, assurer la promotion de son livre, suivre ses ventes, la comptabilité, sans oublier le dépôt-vente en librairie, chronophage, qui nécessite un suivi régulier… nuit grandement à la productivité littéraire.

C’est là qu’intervient le deuxième choix qui s’offre à un auteur désireux de publier son livre : proposer son ouvrage à un éditeur. Dans ce cas-là, c’est à l’éditeur de s’occuper de tout ce qui entoure la promotion, communication et diffusion du livre, mais pas seulement. Ainsi, l’auteur, s’il peut participer (et il est invité à le faire, s’il le souhaite) à toute activité annexe, dispose du temps nécessaire à faire ce qu’il fait par passion et talent : l’écriture.

Il n’y a pas de hiérarchie, entre un auteur et un éditeur. Aucun des deux n’est le patron de l’autre. Il s’agit plutôt d’une relation de partenariat. Un éditeur et un auteur ne doivent pas s’imposer l’un à l’autre, mais échanger.

Une relation d’échanges ? Vraiment ?

La question est légitime. Après tout, c’est vrai ! L’éditeur ne peut exister sans auteur ! Et puis, n’est-ce pas l’éditeur qui détermine les termes du contrat ? L’éditeur qui a la mainmise sur les relevés de vente ?

L’éditeur ne peut effectivement exister sans auteur, c’est indéniable. Bien que l’on trouve souvent des auteurs chez les éditeurs. En effet, éditer un livre nécessite une connaissance pointue du livre et de la littérature en général. Un auteur autoédité peut tout à fait fabriquer un livre de qualité professionnelle. Un auteur seul peut faire la mise en page de son livre, le faire imprimer via l’impression à la demande, se retrouver sur Amazon et Kobo par ses propres moyens, entrer en contact avec les chroniqueuses pour avoir des articles sur son livre…

Cependant, il y a des prestations qui sont payantes et parfois très couteuses, pour des ventes qui ne sont pas forcément au rendez-vous. Le travail de relecture, par un œil neutre et impartial est primordial. Nombre de nos auteurs sont surpris, à l’issue de la première phase de relecture, du nombre de coquilles et erreurs qui survivent, et ce même en ayant relu avec la plus ferme attention leurs récits.

Un correcteur free-lance exerce un réel métier, dont les tarifs sont encadrés, et il est hors de question de le faire travailler au rabais. Il en va de même pour les graphistes qui s’occupent des couvertures, ou des développeurs, qui fabriquent les ebooks. Peut-être certains auteurs approchent-ils des attachés de presse free-lance également… Tout ceci est nécessaire et représente un coût parfois lourd. Le coût du professionnalisme.

Du bureau de l'auteur à la table du libraire, le livre connait une réelle épopée.
Crédit photo : Stock Snap

L’éditeur est le chef d’orchestre de la fabrication du livre. Il prend à sa charge ces coûts. Et il rémunère l’auteur en droits d’auteur. De ce fait, quelqu’un qui écrit son livre investit son temps, pas son argent, et récupère des revenus (naturel, car après tout, écrire est un vrai métier, n’en déplaise à certains).

Se pose alors la question du pourcentage perçu par l’auteur. Quelqu’un qui ne connaît pas l’économie du livre poussera des cris d’orfraie en disant que l’auteur devrait au moins percevoir 50% des revenus. Mais c’est ignorer dans ce cas les libraires, les diffuseurs, les imprimeurs (dans le cas du livre papier) et l’éditeur (qui a besoin de revenus pour que sa structure survive et puisse continuer à mettre en avant d’autres auteurs).

En ce qui nous concerne, chez l’Aquilon, nous considérons que les auteurs ne devraient pas percevoir moins de 10% de revenus engrangés par le livre, pour l’édition papier. Mais aller au-delà est compliqué. En revanche, pour le numérique, l’éditeur voit disparaître un intermédiaire (l’imprimeur) c’est pourquoi nous considérons que l’auteur doit percevoir une part plus importante (d’autant que les livres numériques coutent moins cher à l’achat que les livres papier, normalement). Néanmoins, il est faux de croire que l’éditeur partage lui-même, de façon arbitraire, les pourcentages.

Concernant les contrats, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un accord formalisé. Tous les termes d’un contrat PEUVENT être négociés. Le contrat d’édition est un accord signé entre deux parties. L’auteur ne doit pas le “subir”, mais l’étudier, et si des points lui paraissent litigieux, en parler avec l’éditeur, afin d’essayer de trouver une solution.

Le cas épineux du compte d’auteur

Le monde des éditeurs (on a vu le terme mafia de l’édition sur le net, qui nous a bien fait rire) n’est pas tout rose, c’est évident. Par exemple, il est admis chez les auteurs que les maisons d’édition à compte d’auteur sont des arnaques.

Nous allons nuancer ce propos. Nous avons un avis très tranché sur le compte d’auteur (comprendre, on n’aime pas ça). Pour nous, un auteur édité ne devrait pas débourser un centime. Cependant, il nous paraît exagéré de dire que les éditeurs à compte d’auteur sont des escrocs. Car finalement, légalement, ils remplissent leur part du marché : publier un livre contre rétribution.

Or, nous ne les considérons pas non plus comme des éditeurs à part entière. Car en faisant payer les auteurs, ils se délestent de la part de risque qui est un élément important du métier d’éditeur. Pourquoi un éditeur pousserait-il à acheter un livre, alors qu’il a déjà reçu de l’auteur plus que ce qu’il pourrait espérer percevoir en s’échinant à le faire connaître ?

Crédit photo : Lai Zhen He

Ces éditeurs sont, à nos yeux (oui, on prend des précautions oratoires), des prestataires de service, des imprimeurs spécialisés dans le livre, qui permettent de faciliter le travail d’autoédition des auteurs, contre rétribution (donc de l’autoédition assistée). Par ailleurs, n’ayant pas de ligne éditoriale, ils peuvent permettre la publication de différents genres. Peut-être ces entreprises devraient elles changer de nom (après tout, on trouve bien en anglais une distinction entre Editor et Publisher).

De fait, dans ce cas, la relation entre auteur et éditeur est différente, il s’agit d’une relation de client à prestataire et non d’un partenariat créatif.

Conclusion

Le monde du livre est un secteur très concurrentiel. Chaque jour, de nombreux livres sortent. De nombreux auteurs émergent. Grand éditeurs, petits, auteurs autoédités… on se demande parfois s’il n’y a pas plus d’auteurs que de lecteurs. De fait, on a un peu l’impression de voir émerger des tensions, chaque partie essayant de “tirer la couverture” à soi.

On a d’un côté de grandes structures, qui bénéficient d’une hégémonie sur tout le milieu, régnant en maîtres sur les librairies et les espaces pubs, et porteurs de l’espoir de diffuser un best-seller auprès du grand public. Puis, de petits éditeurs qui peuvent se permettre d’essayer de favoriser des genres délaissés, permettant à des auteurs n’ayant pas accès aux éditeurs dits classiques de profiter d’un soutien de professionnels. Enfin, les autoédités, qui bénéficient allègrement d’une liberté créatrice totale et peuvent compter sur une entraide et une solidarité exemplaire (et que pour être honnêtes, on jalouse un peu), au vu des multiples initiatives que l’on voit fleurir pour permettre une meilleure visibilité.

Mais peut-être que les querelles de clochers ne sont pas une solution ! Nous assistons peut-être à une évolution du livre. Et puisque ces trois acteurs coexistent, pourquoi ne pas réfléchir ensemble à l’avenir du livre, en partenaires, ce qu’on a toujours été ?

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