Arthur Serres : Tête à tête avec notre alimentation
À l’occasion de la sortie de Nos Régions à la Bonne Franquette, parlons un peu alimentation et voyages avec Arthur Serres, l’auteur de ce récit de voyage engagé qui questionne nos modes de production alimentaire.
Salut, peux-tu nous dire comment est née l’initiative des Artisses ? Pourquoi avoir choisi de centrer votre Tour de France autour de l’alimentation ?
Arthur Serres : Les Artisses, ça a commencé par une vieille amitié. Je connais Siméa depuis le lycée où on a fait nos armes en Arts Appliqués. Par la suite on est partis vivre à l’étranger, elle en Angleterre et moi en Hongrie. Dans chacun de ces pays, on était considérés comme « français », c’était la première chose qui nous définissait quand on rencontrait quelqu’un. Ça nous a interrogé. Qu’est-ce que ça veut dire que d’être français ? C’est quoi la France ? Quand on y pensait tous les deux, on pensait bouffe. C’est ce qui nous manquait le plus à l’étranger ; le fromage, le steak tartare, le vin… C’est comme ça que nous est venue l’idée de traverser la France pour recueillir les recettes traditionnelles des différentes régions.
Quel regard portais-tu avant sur l’industrie agroalimentaire ? Celui-ci a-t-il évolué après le voyage ? En quoi ?
Arthur Serres : Je dois dire que je ne connaissais pas grand-chose à l’industrie agroalimentaire. J’avais en tête les grosses firmes de l’industrie agroalimentaire, les lobbies, ce qui ne m’intéressait pas du tout. Je voulais voir les productions locales, comment ça se passait réellement. L’une des rencontres qui m’aura le plus marqué a été Jean-François, éleveur de bovins en Normandie. Il a pris le temps de nous expliquer en quoi consistait son métier. C’est grâce à des rencontres comme celle-ci que j’ai pu mieux comprendre la chaîne de production alimentaire actuelle. Je dois dire que certaines situations m’ont pas mal interpellé.
Si tu devais choisir deux moments forts du voyage, ce seraient lesquels ?
Arthur Serres : Les deux moments forts de ce voyage qui me reviennent souvent en tête sont la Ferme du Mazeau et la rencontre avec Yvon et Vida.
La Ferme du Mazeau était un projet mené de front par Axel et Flo, avec une démarche originale et qui réunissait tous les éléments pour créer une réelle alternative. C’est difficile aujourd’hui d’être en accord avec ses convictions, même quand on est sensibilisé aux questions BIO et écolo. C’est le pari que la Ferme du Mazeau a réussi à relever. Ça m’a fait plaisir de voir que certains y arrivent.
Yvon et Vida, c’était autre chose. C’étaient des vieux de la vieille, des grand-parents qui en avaient vu de toutes les couleurs et qui, tôt dans leurs vies, ont décidé du chemin à prendre. Yvon avait une connaissance du vivant incroyable, du sol et des plantes, des oiseaux, il connaissait tout et prenait un malin plaisir à le partager. C’était un monsieur avec une joie de vivre immense, toujours le sourire et une petite blague pour accompagner le discours.
Avec Vida, ils avaient été militants de la première heure pour l’écologie, la préservation de la planète et ce qui en découlait ; le bien de toute l’humanité. Si on arrive à nourrir la planète entière sans la dégrader, on règle les trois-quarts des conflits dans le monde. Cette logique imparable et simple, ce bonheur de vivre et leur engagement m’ont fait rêver. Yvon et Vida, c’étaient les grand-parents que je rêve de devenir, avec un mélange des miens bien sûr, généreux et pédagogues !
Y a-t-il des régions que tu regrettes de ne pas avoir visitées ?
Arthur Serres : On n’a pas pu aller dans les DOM-TOM, faute de budget, et c’est un regret. J’aurais adoré découvrir les dessous de l’alimentation en Guadeloupe et en Guyane, voir les différences et les similitudes, goûter à la cuisine de la Réunion. Mais bon… Une autre fois !
Si c’était à refaire, est-ce que tu reprendrais ton sac-à-dos ? Si oui, qu’est ce que tu ferais différemment ?
Arthur Serres : Je crois que je ferais pareil, même exactement pareil, pour voir ce qui a changé au fil des années. Les générations passent, les techniques se développent, comment le monde de l’alimentation évolue aujourd’hui ? Mais en premier, si on doit repartir avec Siméa, je ferais tout pour que ça soit dans les DOM.